Philippe Chat

Demain samedi 13 avril se déroulera une déambulation artistique en hommage à Philippe Chat, à Fontenay-sous-Bois naturellement. Nous ne pourrons nous joindre à nos amis pour cet après-midi mais en écho nous faisons paraître ici un petit article.
Nous avons été très touchés par la disparition de Philippe le 22 décembre dernier, il était un vrai complice. Dès nos débuts il nous a vivement soutenu tout comme il a encouragé de nombreux pairs et permis à de très belles réalisations graphiques d’éclore — à Fontenay-sous-Bois!



On n’a jamais trop su quelle place, au sens bureaucratique du terme, Philippe occupait à la ville de Fontenay. Pour nous c’était quelque chose comme «Adjoint à l’image dans la ville» ou «Chargé de l’art et du graphisme dans la rue». Voilà quelques faits marquants ou souvenirs personnels du travail de cet infatigable soutien d’un graphisme d’utilité publique…

En 1988, avec Évelyne Chat («les Chats»!), ils inventent un événement pour investir les panneaux d’affichages libres le temps de l’été ; c’est le Salon de l’éphémère. Chaque artiste invité s’empare d’un panneau d’affichage libre (ou d’autres espaces ; murs, squares…), y colle un exemplaire unique (ou carrément une œuvre originale) ; de nombreux plasticiens, dessinateurs et graphistes se prêtèrent au jeu.
En 1994, le Salon va se transformer en «Graphisme dans la rue» où seront invités des artistes à produire une série d’affiches grand format, sérigraphiées et toujours collées dans la ville.
Gérard Paris-Clavel, Claude Baillargeon, L’Atelier des Arpètes, Michel Quarez, les Graphistes associés, Ben, Nous travaillons ensemble, Anette Lenz… autant d’influence pour nous qui ont à ces occasions pu réaliser des images qui pour certaines sont gravées dans notre mémoire. Des affiches très libres mais souvent avec un sens politique vif.


Ci-dessus, quelques images extraites des petits cahiers à spirales édités après les Salons de l’éphémère 1993 et 1994.

Entre 2007 et 2009, Graphisme dans la rue est devenu en véritable festival qui n’avait franchement pas à rougir de ses grands frères Chaumont ou Échirolles. Un concours d’affiches international sur la thématique de la ville (Nicolas avait eu la joie de faire partie des trois premiers prix en 2009 avec l’affiche «Marketing politique ou propagande libérale»), des happenings et des installations graphiques dans l’espace public («zones d’art»), une exposition, l’intervention de classes d’étudiants (Rennes, Cambrai, l’Ensad) et bien sûr à chaque fois une nouvelle installation à la «Galeru»… Fanette Mellier, David Poullard, Bruno Souêtre, Malte Martin, Muriel Paris, Vincent Perrottet ou Jean Widmer ont investi ce festival de leurs formes.

[Nous mêmes on n’a pas de photos, mais sur le nouveau site galeru.org il y en a plein!]

Et la Galeru donc… Située en plein centre ville du vieux Fontenay, la Galeru est une ancienne (très petite) échoppe de cordonnier mais disposant d’une large vitrine donnant sur la rue. Philippe la transforma en galerie d’art municipal, ou vitrine plus exactement! Tout un tas de personnes sont également passées par là (entre 3 et 8 installations différentes par an). Par exemple, Olivier Darné et sa Fabrique d’images ont pour la première fois travaillé avec des abeilles en y installant une ruche («Nous sommes tous des abeilles», mai-juin 2002). Nous-mêmes nous avons réalisé une Galeru en 2009, «Notre ville utopique», une installation de panneaux de bois peints qui nous a permis d’expérimenter une pratique dans l’espace ; un travail qui en aura fait naître d’autres, comme ceux menés actuellement avec la ville de Vitrolles.
La Galeru est sans doute le travail le plus emblématique de Philippe, par sa durée dans le temps, par sa relation ténue avec les citadins, par la qualité des œuvres qui y furent montrées.


Ci-dessus, la Galeru d’après Google street view (avec l’installation d’Anne-Marie Latremollière) et Philippe en train de passer une nouvelle couche de blanc pendant que nous-mêmes installions «Notre ville utopique» à l’intérieur!

Mais le travail de Philippe c’était aussi d’inviter des artistes à investir de manière pérenne des murs dans des quartiers de Fontenay — comme le fameux «T’es où?» de Quarez. Cela a aussi été d’inviter les étudiants rennais d’Isabelle Jégo pour un workshop dans le quartier des Larris — Rubanisation. Ou d’accueillir la compagnie Ici-Même (Paris) en résidence dans le quartier de la Redoute. Ou de nous faire rencontrer le collectif d’associations Equitess pour les accompagner dans la conception du journal mural du quartier des Larris. Ou de confier la réalisation de panneaux d’affichage d’un nouveau genre («Galeru des Chemins») à Ivann Legall et Laurent Livet pour le sentier du bois Guérin Leroux. Ou d’organiser des conférences («Les rencontres du graphisme»). Et bien d’autres choses que nous n’avons pas eu la chance de voir de nos propres yeux.


Ci-dessus, le mur de Michel Quarez, le journal mural du workshop Rubanisation, le premier numéro du Mur Mur des Larris, une affichette estivale pour la Galeru des chemins

Plus récemment encore il s’occupait de co-animer la Halle Roublot, un ancien marché couvert réinvestit par la ville de Fontenay-sous-Bois en espace d’exposition. L’exposition «Trait(s) libre» en septembre 2011 (dessins contemporains) et «Dedanlémo» en mai 2012 (autour de Pierre di Sciullo) valaient le coup d’œil!


Ci-dessus, l’expo Trait(s) Libres, une image peinte de Pierre di Sciullo, Emanuela Not et des enfants qui en discutent…

Pour toutes ces formes que Philippe a eu l’énergie de solliciter et d’accompagner, pour tous les créateurs (connus et inconnus, jeunes et vieux de la vieille) à qui il a offert l’opportunité de réaliser des images ou des installations destinées à l’espace public, on peut facilement dire qu’il occupait une place unique pour la création graphique. Et plus généralement des arts «qui ont quelque chose à dire» au-delà des (belles) formes.

«L’art a joui par le passé d’une importance formelle qui le coupait de notre existence quotidienne, mais il est toujours présent chez les peuples qui vivent sincèrement et sainement.» Walter Gropius