Petite université d’été du Groupe Cordel

Comme il y a un an, nous nous sommes retrouvés à Kerfissien, nord Finistère, accueillis dans la petite maison Kerampran-Filloque près de l’océan. La famille Filloque-Voisin au complet — Flo, Nico, Mano & Pia —, Geoffroy, Virginie, Jil, Natacha et ses enfants Paol et Juna, Jean-Loup, le soleil, Fabien, Manu… étaient là dès le lundi ou sont arrivés en cours de semaine. Objet numéro 1 : se retrouver, se détendre, construire des châteaux de sable (qui finissent détruits par la marée après nos «apéros-château»). Objet numéro 2 : expérimenter de petits ateliers, sur des sujets préalablement proposés par les participants.



Avec l’association Groupe Cordel créée il y a 1 an et demi, nous souhaitons développer une pratique pédagogique décloisonnée, entre art et politique, image et social, plaisir et besoins concrets. Par des ateliers, des formations ou l’édition et la diffusion d’outils, nous voudrions déployer cette pratique petit à petit, dans des cadres — institutionnels, associatifs, militants… — qu’il nous reste encore à trouver.


Voici les ateliers qui ont été menés :

Atelier blason de famille (technique : gravure sur bois)
L’atelier commence par un questionnaire : déterminer (rapidement) des symboles pour représenter sa famille, choisir un animal, un légume, un fruit, un chiffre, une couleur, un objet usuel, une partie du corps et une forme géométrique. À côté de chaque réponse, griffonner comme l’on peut une représentation. Ensuite, composer tout cela au crayon sur une petite plaque de bois pour, dans un second temps, la graver avec les gouges. Et enfin, faire un ou deux tirages sur papier.
Objectif — Se réapproprier et désacraliser un objet graphique historique tout en découvrant une technique d’impression artisanale, compliquée mais pas inaccessible.



Debrief — L’atelier aurait pu être accompagné d’un petit laïus sur l’histoire et le sens social du blason, et peut-être tirer jusqu’à leur disparition au profit d’autres formes d’identité visuelle.
La technique de la gravure est un peu difficile, les outils doivent être présentés et un accompagnement est souhaitable. Plus avant, le dessin n’est pas évident pour tous ; peut-être qu’une invitation à des représentations délibérément géométriques voire abstraites aurait simplifié la tâche pour certains? La qualité du papier devrait être optimale (papier épais), on peut aussi imaginer un tirage sur tissu (fanion).



Atelier carte de visite (technique : pochoirs et feutres)
On commence par s’interroger individuellement sur ce que l’on peut placer comme information — nom? profession? coordonnées?…
Après quoi, l’on découvre un kit de très petits pochoirs aux formes non figuratives et variées. Des formes ovales, un peu plus grandes, serviront de formes-cadre. On crée, sur feuille blanche, une ou des compositions autoportraits (l’oval est le contour du visage). Une fois satisfait, on reproduit la composition sur un ou plusieurs rectangles de carton à disposition.
Le temps nécessaire à la création d’un portrait est assez court, on a alors le temps de s’amuser à créer d’autres portraits (carte de visite du voisin, du copain…)
Objectif — Permettre à chacun de repartir avec un objet graphique personnel, qui peut être reproduit à quelques exemplaires. Les pochoirs rendent l’acte de dessiner ludique et accessible pour tous.



Debrief — Une fois l’atelier terminé, on a trouvé décousu la brève recherche de contenu et la mise en œuvre des autoportraits. À la fin, certains n’avaient pas reproduit les informations déterminées plus tôt, d’autres les avaient mises un peu où ils pouvaient côté portrait, d’autres au verso.
On a aussi trouvé bizarre que la fonction de la carte de visite, ni intuitive ni nécessaire pour certains participants, ne soit pas questionnée. Il y a sans doute des usages originaux, non normés, à attribuer à ce petit bout de papier à donner au hasard de rencontres.



Atelier-discussion lecture d’image
Le graphisme peut-il être jugé sous l’aune du plaisir? Quel plaisir peut me donner une image?
Voici les questions posées (sans image sous les yeux), chacun pouvait écrire les mots-réponses qui lui venaient : Quand on vous dit plaisir/image, à quoi ça vous fait penser? Qu’est ce que vous ressentez physiquement quand vous regarder une image que vous aimez? Quels mots vous utilisez pour parler d’une image que vous aimez particulièrement? Nous avons ensuite discuté de nos goûts face à une série d’images graphiques variées. Pour cette discussion, nous avons utilisé un outil d’échanges : la rivière de positionnement ; une ligne imaginaire, à gauche «cette image me provoque du plaisir», à droite le contraire, entre les deux j’aime plus ou moins.

Debrief — La première partie de l’atelier nous a permis d’avoir une liste d’une cinquantaine de mots et expressions pour parler des images. La rivière de positionnement a permis à chacun de s’exprimer soit verbalement, soit corporellement.
Il a été difficile pour tout le monde de définir/préciser la notion de plaisir. Plus particulièrement, il a été difficile pour les graphistes, de se dégager du «côté technique» de l’image : composition, message... Le choix des images a sans doute engendré cela. L’atelier peut-être utilisé de différentes façons : pour s’autoriser à parler de l’image, pour se mettre d’accord sur un sujet... Mais peut-être avec un objectif plus clair.
De manière générale, orienter la discussion sur le plaisir est très compliqué notamment par le caractère très subjectif de la chose.



Atelier fabrique à slogans utopiques (technique : peinture sur t-shirt)
L’atelier se déroule dans le cadre imaginaire d’une révolution en cours ; le pouvoir nous étant revenu (nous peuple insurgé), il nous revient de déterminer les chantiers socio-politiques prioritaires pour l’établissement d’une nouvelle société. Après avoir déterminé ces sujets, on divise le groupe en plusieurs petites commissions (trois personnes) qui chacune choisit le ou les sujets qui l’intéresse et creuse des envies, des désirs. Et puis il s’agit de trouver les bons mots, slogans, jeux de mots, pour incarner ces programmes politiques utopistes.
Après quoi, chacun réfléchit par croquis à la mise en forme de son slogan préféré, avant de passer à la phase peinture.
Objectif — Investir une réflexion personnelle et décomplexée sur des sujets politiques, travailler la création depuis le mot jusqu’à la réalisation technique en passant par le dessin de typographie, en prenant comme support un objet graphique des plus populaires.



Debrief — L’atelier a été un peu difficile à lancer ; de bon matin, pas franchement réveillés, faire turbiner son imagination de manière politique et quelque peu abstraite n’a pas été évident. L’expression de désirs militants a pu aussi être délicate : ces désirs doivent-ils être concrétisables (par exemple appuyés sur des expériences ayant cours par-ci par-là) ou être de purs fantasmes, excentriques, délirants? Après cela, imaginer des slogans a montré des inégalités : pas simple pour tous, on s’aperçoit que l’exercice n’a rien de naturel.
Quant au t-shirt… tout le monde ne s’est pas prêté au jeu, peut-être complexé, embarrassé par le dessin et la peinture, peut-être aussi détourné par une sieste, un badminton ou une baignade!



Étalés sur trois jours, ces ateliers ont été pour nous de réels tests avec un public varié : néophytes, graphistes, peintres, enfants… Ces ateliers seront évidemment à adapter selon le contexte et le public, avec à chaque fois une réflexion à mener sur les objectifs ; doit-on arriver à un résultat abouti? La découverte de la technique doit-elle être centrale? Ou l’expérimentation? Ou le questionnement de sa pratique? Ses objectifs nécessitent des durées adaptées.
La posture de l’«animateur» est aussi à travailler : dans quelle mesure doit-il laisser faire ou guider? Quel accompagnement est, selon les ateliers, le plus approprié?

On espère que des occasions de développer de tels ateliers se présenteront prochainement!