Workshop à la Libera Università di Bolzano

Je m’en reviens tout juste d’une très agréable semaine en Italie où Giorgio Camuffo m’a invité pour une conférence sur l’atelier Formes Vives suivi d’un petit workshop de deux jours. Giorgio est aussi commissaire d’exposition, nous avions fait sa rencontre avec l’exposition «It’s graphic now!» l’an dernier.



Ce semestre, Giorgio fait travailler ses étudiants avec des associations à vocation sociale de Bolzano ; c’est pour cet axe de graphisme d’intérêt public, nommé «Esponiamoci!», que je suis donc intervenu, proposant une conception du design graphique un peu «décalée» pour des Italiens qui n’ont pas la même histoire de ce métier (pas de Mai 68 ou de Grapus à leur Panthéon!).



Pour commencer le workshop, les étudiants réunis par groupe de deux piochent au hasard l’une des associations de Bolzano. Le sujet est alors de s’informer sur ces associations, en dégager une particularité sur laquelle s’appuyer pour concevoir un objet de communication, le tout en un temps très limité et des moyens restreints.



Centro d'Ascolto Antiviolenza — Veronica & Sol
L’objet est de communiquer l’existence de ce centre d’accueil pour les femmes victimes de violences conjugales. Dans le même temps il s’agit de parler plus généralement de ce problème peu visible et de toucher des victimes qui sont souvent elles-mêmes dans le déni. Avec des petits autocollants militants et décomplexés, économiques à fabriquer et faciles à coller en loucedé, notamment sur les produits typiquement «féminins», on tente une approche ciblée, on fait exister le problème de façon publique et en même temps de manière parasite, tout en diffusant le numéro de téléphone du centre d’accueil.



Forum Prevenzione — Carlotta & Ralf
Pour aider cette association dans son travail de prévention sur l’alcool, la proposition est une forme assez douce et non-dramatisante ; on ne nient pas le plaisir et l’effet socialisant de l’alcool mais on pointe les effets négatifs de ses excès. Par la voie «classique» d’une affiche bien maîtrisée et aussi un programme de communication très ambitieux où les bouteilles de bière ont des messages différents selon le nombre que l’on en consomme. Les messages vont de «humeur festive» à «et demain?» en passant par «désinhibé», «surexcité», «hors de contrôle» et «crash».



Auser / Anziani — Laura & Francesca
Ce travail non abouti est une proposition pas seulement graphique ; pour les personnes âgées que l’association Auser soutient dans leur souhait de rester vivre à leur domicile, la proposition est de créer de petits spectacles de rues à regarder par les fenêtres, proposant par là une animation à ceux qui ne sortent que très peu de chez eux. Les acteurs seraient entre autres coiffés de grands chapeaux colorés, qui les rendraient très visibles depuis tous les étages.



Centro Pronta Accoglienza Minori Stranieri non Accompagnati (Volontarius) — Sandra & Corinna
Cette maison est un foyer pour les enfants immigrés, elle peut accueillir jusqu’à neuf mineurs en même temps. Sont imaginés un nom («La Casa Rossa») et un logo-totem composés de formes découpées ; chacune de ces dernières étant l’œuvre d’un des enfants. Ce logo est ainsi évolutif, transformé par chaque départ et par chaque arrivée.



La Strada — Chiara & Roberta
L’Excelsior est l’équipe de football créée par l’association Strada (et elle participe à des compétitions) ; chaque joueur vient avec ses difficultés (mentale, physique ou sociale — s’y j’ai bien compris!) et les 40 joueurs entre tous sur le terrain à tour de rôle et pour le même temps de jeu (un quart d’heure). Le cercle divisé en parts égales reprend ce découpage équitable du temps, comme symbole d’une égalité entre tous. Floqué sur les maillots de l’équipe, ce signe abstrait prend âme, il devient fort et intrigant ; un signe militant et sportif à la fois.



Consulte degli Immigrati Bolzano — Francesca & Elena
Parler du racisme est compliqué, notamment parce que l’on ignore bien souvent les racines idéologiques de cette mécanique discriminatoire et son ampleur. Car il n’y a pas que l’expression brutale des jugements xénophobes qui sont «racistes» ; quand par exemple un journaliste, à la posture «neutre», raconte qu’un jeune noir a braqué un magasin, il y a là l’expression du racisme courant : jamais le journaliste n’aurait parlé de «jeune blanc» si le délinquant avait était blanc, car dans ce cas la couleur de peau n’aurait pas eu, pour lui, de lien avec l’acte ; à l’inverse, donné une description du faciès insinue une causalité liée à une origine géographique. Par de petites affichettes à sensation qui singent la presse quotidienne populiste, le problème est mis à jour par l’absurde. L’idée est poussée jusqu’à l’affichage dans la rue, suscitant l’interrogation des badauds.



Apolidi (Consulte degli Immigrati Bolzano) — Enrico & Naomi
Le terme d’«apatride» est complexe à appréhender car sa signification varie selon les lois des États et selon que cette caractéristique soit subie ou choisie. Par un petit cahier didactique, les différentes définitions sont détaillées.



Papperlapapp — Eliza & Patrizia
Après avoir travailler un premier temps sur la prévention des risques liés à l’alcool (une des activités de cette association proche de nos MJC françaises), elles ont finalement proposé un travail plus général sur l’image de l’association et en particulier pour le site, actuellement peu «appétissant» et en contradiction avec l’esprit joyeux des actions de Pappelapapp. Une nouvelle bannière est le premier élément du chantier…



Punto liberatutti — Marianna & Xenia
Ce centre accueille des mineurs issues de familles en difficultés. Elles proposent la création de cahier d’expression comme outil de travail pour les éducateurs ; des grands formats pour les cahiers collectifs sur des thèmes génériques, des petits formats pour les cahiers individuels sur le thème du rêve. L’idée est, une fois les cahiers remplis, d’en extraire une sélection de pages pour éditer — et ainsi valoriser — ces dessins et mots d’enfants, fragiles et fortes, sous la forme de livres à tirages limités.



Un grand merci à Giorgio pour cette rafraichissante invitation — et également pour son accueil, post-workshop, dans sa belle ville de Venise. Merci également à tous les étudiants pour leur travail et leurs qualités de réponse dans un temps très court.