Workshop aux Beaux Arts de Clermont-Ferrand

Nous revenons du workshop à Clermont-Ferrand — on vous raconte. De l’envie de retrouver quelque chose des ateliers populaires, il y avait le collectif bien sûr, la cadence soutenue par le son d’une radio, les réunions du matin aux odeurs de café et la grande place aux images spontanées mais intentionnées, aller dehors aussi même si ça caille. Retour, jour par jour, sur notre séjour en Auvergne dans la très chic nouvelle école des Beaux Arts de Clermont.


Jour 1
De bon matin, Nicolas fabrique un tableau, planning de la semaine à remplir au fur et à mesure. Nous rencontrons la petite dizaine d'étudiants qui nous suivra pendant toute la durée du workshop. Personne n’a encore fait de sérigraphie hormis Alex, diplômé l'année précédente et revenu à l'école ces cinq jours pour suivre ce temps d’atelier et, finalement, nous filer un bon coup de main. Nous ouvrons donc par une première «assemblée générale quotidienne» prenant la forme d’un tour de table de présentation des participants et du sujet autour d’un café brûlant.
Nous choisissons ensemble le premier thème de travail: la ville. On apprend par exemple que le Carré Jaude, le récent complexe commercial du centre-ville, cartonne mais génère aussi quelques controverses; on regrette le point de vue imprenable sur le Puy de Dôme depuis la Place de Jaude aujourd’hui bouché par le mastodonte architectural.
Chacun gribouille dans son coin une petite image A6, mise en forme rapide de ses intentions, bribes d’une affiche à venir. On partage ces différents croquis ensemble afin de se mettre d’accord pour en réaliser trois dans la journée. En guise d’introduction à la sérigraphie, nous prévoyons de travailler à même la maille des écrans, suivant la technique du pochoir à l’aide de bouche-pores et de scotch. Nous tirons chacune des images en une trentaine d’exemplaires et partons avec un stock coller sur les panneaux d’affichage des alentours.









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Jour 2
Nouvelle assemblée générale matinale. Le thème sera le logement, amené par Léa sur fond de questionnement politique; se loger ce n’est pas la même chose qu’habiter, que dire sur le squat, l’habitat groupé, les colocs, le prix des loyers à Clermont? On échange, prenant des notes pour nos minis esquisses. Des mots sortiront du lot; occupation, terrier, l’image de la porte emmurée. Côté technique, on introduira la question du typon et de l’insolation. La règle du jour consiste donc à dessiner à l’encre directement sur le transparent afin de créer un typon pour une impression monochrome. Pas de collage pour ce soir, on préférera prendre le temps d’expérimenter un dégradé, de ré-imprimer sur les macules de la veille pendant que certains iront voir la conférence de Jean-Teddy Filippe sur Les Documents interdits.










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Jour 3
Bonjour Bonheur, aujourd’hui gaité au rendez-vous, on prend le large, on travaillera sur ça, prétexte à la discussion habituelle du début de journée. D’autres étudiants intrigués par notre conférence de la veille passent par-là jeter un coup d’œil, se posent cinq minutes pour écouter. On a pris l’habitude de fabriquer nos petits bouts de papier, se les montrer, parfois c’est de la blague, on en rigole sans se moquer, à d’autres moments ça ne marche pas, ça loupe à pas grand chose, un problème dans la compo peut-être, et puis de temps en temps il y a un truc qui sort du lot, qui nous parle et fait de suite consensus. L’envie du jeu de mot se fait sentir. Avançons dans la découverte de l’outil, aujourd’hui la bichromie. Réfléchir une image en deux couches, c’est prévoir la rencontre des formes et des couleurs, ce que ça peut apporter. On se répartit par groupe pour concevoir les typons. Il y aura dans les créations de bi-biche, barbar, barbiche, de lieux communs macho à la sauce «alors heureuse?». On finira encore assez tard ce soir, il y a de l’ardeur et du cœur à l’ouvrage.










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Jour 4
Avant dernière journée, la réunion du matin débute par un point sur la semaine, tout va bien? Un rapide coup d'œil au travail effectué, on en pense quoi? À quoi pourrait aboutir ce workshop? Léa nous avait parlé d'un concert de musique expérimentale dans un lieu autogéré près de la gare, le superbe Hôtel des Vil-e-s, une ancienne auberge de jeunesse squatée. On pense exposer quelques affiches là-bas, on en parle, ça nous botterait de voir les boulots aussi dans ces lieux que nous affectionnons bien. Bingo, les organisateurs du concert passent par-là et semblent intéressés. On se décide à imaginer deux installations, une sur un mur bien propre de l’atelier de l’école, plutôt blanchie, et une autre dans le squat, contre-pied de représentation, deux points de vue. Au passage on se referait bien une séance collage avec toute la matière accumulée.
On met donc cette dernière journée de tirage à profit en choisissant de travailler la trame, le collage; retour à l’ordinateur après le travail à la main. Chevalier — Rêve, deux mots tirées au sort, pistes des images du jour, forcément poétiques. Des licornes, un paysage de rêve impossible, un chevalier qui louche, toujours des macules et de la surimpression à la surprise de tous. Les étudiants semblent maintenant à l'aise côté technique, vitesse mais qualité.





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Jour 5
Ça tire un peu, courbatures pour certains, on est dans l’endurance. Faut dire que depuis le début on n’a pas vraiment chômé, et les quelques moments de flottement furent rapidement refoulés par l’entrain pour mettre la main à la pâte, pour dessiner en grand, pour y aller.
Comme un lendemain de soirée, on se met à ranger, on clean un coup l’atelier, on imprime encore deux-trois choses, un deuxième passage qui traîne par-ci, une envie soudaine de sur-imprimer par-là, on a pas essayé le fluo, c'est parti.
Milieu de matinée, tout est imprimé, pas vraiment encore sec partout mais on peut déjà constater l'étendue du boulot effectué au regard de la quantité de papier accumulé qui occupe une grande partie du sol de l'atelier. Dans l’optique de choisir ce qu’on exposera au mur et ce soir au concert, on s’interroge sur l’accrochage. Un coup de massicot ou un pliage pourra donner du cachet à une image un peu faiblarde, on passe un peu de temps à tester des combinaisons possibles et inattendues, on cherche des histoires à raconter dans les rencontres des formes et des messages. On gardera quelques posters pour la session de collage et, bien sûr, chacun s’attèle à son petit marché perso — ramener des souvenirs chez soi.
On déjeune tous ensemble, histoire de mettre officiellement un terme au workshop. C'est aussi le moment où l'on partage nos impressions, nos retours sur la semaine.
La détente bien méritée de l'après-midi passée en ville à découvrir le centre transformé par le marché de Noël, on colle sur le chemin de la gare, notre point de rendez-vous pour l'exposition à l'Hôtel des Vil-e-s. Un lieu assez dingue, forcément porté par des envies politiques et utopiques, un endroit où on se sent bien, on reste bouche bée devant le chantier de cabanes dans la cour et l’immense atelier vélo, on installe nos affiches sur un pan de mur, les balances des concerts du soir donnent le ton, le poêle, l’odeur et la lumière tamisée. L’accueil est chaleureux et les gens forts sympathiques. On passera la soirée là-bas, dans la convivialité et les spectacles risque-tout.







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Un grand merci aux étudiants qui ont suivi avec passion et attention le workshop et se sont prêtés au jeu de l'image, à Cécile Monteiro-Braz et l’équipe de l’école qui nous ont réservé un chouette accueil et aux organisateurs du concert de l’Hôtel des Vil-e-s où on n’hésitera pas à remettre les pieds si d’aventure on repassait dans le coin.

Les affiches ont été pensées et fabriquées par Antonin Berne, Thomas Landomer, Clara Papon, Clara Puleio, Anaïs Tison, Corentin Massaux, Alex Chevalier, Margaux Cherasse et Léa Puissant. Certaines des photos sont de Alex Chevalier, merci à lui.