Workshop à lECV Atlantique (Nantes), sujet et compte-rendu
Adrien Zammit - mardi 10 mai 2011 - Pédagogie
Invité et très bien reçu par Catherine Loget à lECV Atlantique pour donner un workshop dune semaine, jai proposé aux étudiants (de 2e et 3e année) un sujet didentité visuelle. (Nicolas étant en vacances, cest ainsi le premier workshop que janime seul.)

Le pot de la fin dans la petite cour de lécole. (Alain Le Quernec rôde dans les parages, sauras-tu le retrouver?)
Le sujet initial :
Identités visuelles modestes et géniales
Réunis en petits groupes de deux graphistes, vous concevrez d'ambitieux et joyeux projets d'identité visuelle pour de petites associations à but non lucratif (exemple : universités populaires, amap, vélorutions, cafés-librairies associatives... les associations nous concernant vous seront révélées le jour J).
Un exercice qui sera mené à trois reprises (via trois associations différentes) et qui vous amènera donc à travailler dans une certaine urgence. Les groupes changeront à chaque reprise.
Pour chacun des trois mini-projets, nous démarrerons par un partage de documents sur les thématiques de ces associations (projection d'un documentaire, écoute d'une émission, lecture d'un article...) et d'une discussion collective, devant nous permettre de nous faire une opinion personnelle des sujets à aborder.
Vos propositions s'appuieront aussi sur les contraintes inhérentes à ce type d'organisations : de tout petits budgets, peu de temps à consacrer à la communication, l'impossibilité de se disperser sur de nombreux supports, la nécessité de se démarquer de la communication marchande. Pour autant, malgré le peu de temps à consacrer à ces projets et leurs importantes contraintes, vous devrez dégager des idées simples et pertinentes, les travailler en allant à l'essentiel, imaginer des formes alternatives (les logos et les chartes graphiques seront dès le départ mis hors sujet), chercher à provoquer l'étonnement, l'intrigue, le plaisir de vos interlocuteurs.
Ceci posé, ces ambitions de départ ont inévitablement légèrement dû sadapter au déroulement de la semaine.
Au démarrage je leur ai proposé sept associations différentes (et donc autant de mini-projets possible) et nous en avons choisi trois. Les associations proposées étaient lACIPA («Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet daéroport de Notre-Dame-des-Landes») ; Au Clair de la rue (chorale des sans-abris, créée à Nantes) ; le collectif Equitess (pôle dactivité mêlant, dans un quartier difficile de Fontenay-sous-Bois, commerce de quartier, service solidaire, activisme social et écologiste) ; LAttribut (café associatif brestois accueillant adultes et enfants) ; La Rotisserie (restaurant de quartier et lieu ouvert à dautres associations, du côté de Belleville, à Paris) ; le Postillon (journal de contre-information, à Grenoble) ; les Repas de quartier à Toulouse (organisant des repas dans les rues, depuis 1991).
Voilà les associations retenues et les propositions graphiques (je névoque que les propositions ayant été abouties et présentées au moment du rendu de latelier) :

Le pot de la fin dans la petite cour de lécole. (Alain Le Quernec rôde dans les parages, sauras-tu le retrouver?)
Le sujet initial :
Identités visuelles modestes et géniales
Réunis en petits groupes de deux graphistes, vous concevrez d'ambitieux et joyeux projets d'identité visuelle pour de petites associations à but non lucratif (exemple : universités populaires, amap, vélorutions, cafés-librairies associatives... les associations nous concernant vous seront révélées le jour J).
Un exercice qui sera mené à trois reprises (via trois associations différentes) et qui vous amènera donc à travailler dans une certaine urgence. Les groupes changeront à chaque reprise.
Pour chacun des trois mini-projets, nous démarrerons par un partage de documents sur les thématiques de ces associations (projection d'un documentaire, écoute d'une émission, lecture d'un article...) et d'une discussion collective, devant nous permettre de nous faire une opinion personnelle des sujets à aborder.
Vos propositions s'appuieront aussi sur les contraintes inhérentes à ce type d'organisations : de tout petits budgets, peu de temps à consacrer à la communication, l'impossibilité de se disperser sur de nombreux supports, la nécessité de se démarquer de la communication marchande. Pour autant, malgré le peu de temps à consacrer à ces projets et leurs importantes contraintes, vous devrez dégager des idées simples et pertinentes, les travailler en allant à l'essentiel, imaginer des formes alternatives (les logos et les chartes graphiques seront dès le départ mis hors sujet), chercher à provoquer l'étonnement, l'intrigue, le plaisir de vos interlocuteurs.
Ceci posé, ces ambitions de départ ont inévitablement légèrement dû sadapter au déroulement de la semaine.
Au démarrage je leur ai proposé sept associations différentes (et donc autant de mini-projets possible) et nous en avons choisi trois. Les associations proposées étaient lACIPA («Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet daéroport de Notre-Dame-des-Landes») ; Au Clair de la rue (chorale des sans-abris, créée à Nantes) ; le collectif Equitess (pôle dactivité mêlant, dans un quartier difficile de Fontenay-sous-Bois, commerce de quartier, service solidaire, activisme social et écologiste) ; LAttribut (café associatif brestois accueillant adultes et enfants) ; La Rotisserie (restaurant de quartier et lieu ouvert à dautres associations, du côté de Belleville, à Paris) ; le Postillon (journal de contre-information, à Grenoble) ; les Repas de quartier à Toulouse (organisant des repas dans les rues, depuis 1991).
Voilà les associations retenues et les propositions graphiques (je névoque que les propositions ayant été abouties et présentées au moment du rendu de latelier) :
1. Le Postillon
Premier sujet, les étudiants avaient les journées de lundi et mardi pour sy coller.
Le Postillon est donc un petit journal, tiré à 1500 exemplaires, qui se vend dans quelques tabacs de Grenoble ; il parle des politiques locales, de la collusion entre les médias, les entrepreneurs et les politiciens, de société de contrôle, etc. De quelle manière, avec nos savoir-faire graphiques, pourrait-on laider à se faire un peu plus connaître?
Tiffany Marchis et Céline Descamps


Leur idée est de faire sortir le «o» (caractéristique de la manchette du Postillon, un «o» postillonné) de la couverture du journal et de le faire promener en ville. Venant comme un petit parasite, comme un écho impétueux et anarchique, il rappelle le journal sans en faire à proprement parlé une publicité mais en laffirmant comme un élément du paysage urbain.
Sur la couverture des journaux, un autre pochoir (plus petit) est employé et appuie la familiarité entre le journal et son signe échappé.
Le pochoir a été essayé dans les rues nantaises (≠ Photoshop).
Anne-Stylite Dubost et Charotte Fons

Parties de lenvie de rendre plus faciles à trouver les points de vente du journal, elles proposent un autocollant à placer sur leurs portes ou leurs murs (comme le font les guides, les chèques vacances mais graphiquement dans le ton du journal). Le même autocollant pourrait aussi être plus largement diffusé, cest un support, on le sait, très apprécié dans les mouvements militants ; à son dos, sur le papier à décoller, trois mots de présentation du canard et la liste des points de vente. Une idée simple et sans doute bien utile.
Alexandre Lemercier et Nathan Morel



Après avoir pris le temps de se pencher sur les sujets traités dans le Postillon, ils ont relevé quelques sujets de prédilection : la médiocrité de la pratique journalistique du quotidien régional (le Dauphiné libéré), linstallation de caméras de surveillance dans la ville, la politique néolibérale menée par les socialistes au pouvoir à Grenoble et en Rhône-Alpes. En mélangeant tout ça, leur vient lidée de détourner des pages du «Daubé» pour en faire des tracts/affiches. Le geste est très fort (nous lavions nous-mêmes pratiqué sans quAlexandre et Nathan ne le sachent) ; écraser, recouvrir les mots de lautre de manière effrontée ne manque pas de piquant.
Quand il est plié, le tract est juste signé dun élégant postillon blanc. À lintérieur, une affichette. Le principe peut se décliner à lenvi et se réalise au pochoir.
La première affichette reprend un des titres malins du petit journal isérois («Big brisère is watching you») associé à lune de ces caméras qui font tant polémique (inutiles, très coûteuses, installées sans consultation ). La seconde propose un sympathique mix des logos de deux partis politiques français, créant ainsi un logo original pour la région Rhône-Alpes.
Un travail vif et très cohérent avec le sujet.
Charline Baubeau et Marie Audier

Lidée finalement développée est de proposer un objet qui soutienne directement les participants au Postillon les encourageant à persévérer , notamment destiné à celles et ceux qui vendent à la criée exercice qui demande un effort particulier et manque rarement duser les énergies les plus tenaces. Il sagit dun tee-shirt quon fait fabriquer à quelques exemplaires à chaque nouveau numéro ; sur celui-ci une simple photo, celle présente sur la couverture du journal (chaque couverture reprenant une prise de vue noir et blanc de la ville de Grenoble). «Fier dêtre Postillon!» en quelque sorte.
Le tee-shirt permet aussi de repérer facilement léquipe du journal quand celle-ci veut se montrer et inutile pour ça décrire en toute lettre Le Postillon.
Camille Testard et Camille Diquelou



Le point de départ de cette proposition est les graffitis, gribouillages et autres détériorations des affiches électorales. Le Postillon ne pourrait-il pas faire sienne cette pratique fougueuse et souvent drôle? Tout en sachant que ce geste est réprimandable (amende de 3e classe, 450 maximum) et que ces affiches napparaissent que rarement dans nos rues (et les parutions du Postillon ny sont pas synchronisées)
Au final, lidée serait que le Postillon tire lui-même à des formats différents les portraits de ses ennemis politiques, avant de les coller en ville et de leur apposer une marque de fabrique ; une bouche grotesque, postillonnante (pour celles et ceux qui parlent au nom de tous mais toujours avec idéologie et dans leur intérêt personnel).
(On pourrait notamment retrouver le portrait du maire juché au mur des tabacs proposant le Postillon, à la manière du portrait officiel du président dans les mairies.)
On retrouverait le pochoir dans le journal (à découper et à utiliser soi-même), peut-être en couleur ; une couleur qui pourrait changer à chaque numéro.

Deux groupes préférant travailler dehors.
2. LAttribut
Second sujet, le travail de conception et de mise en forme de propositions devait se faire initialement dans la journée.
LAttribut est un café associatif que viennent tout juste de créer, à Brest, des ami-e-s de Nico. En plus de lintérêt que représente ce lieu atypique riche de belles ambitions, il était amusant de le proposer dans la mesure où peu de jours avant nous avions envoyé à limprimerie le matériel de communication conçu par nos soins. (Boulot quon devrait bientôt pouvoir vous montrer ici-même.)
Aussi, pour ce sujet, les supports étaient imposés (tout comme ils nous lont été), lasso ayant déjà réfléchi à ses propres besoins : une petite carte (type carte de restaurant), un flyer (à déposer dans des lieux clé, comme la CAF) et une affiche pour linauguration (à coller dans le quartier).
Ne souhaitant pas forcer les choses et les étudiants montrant pour la plupart aucun enthousiasme à se mélanger (à changer les groupes de travail), les mêmes groupes se remirent en place (à quelques exceptions près).
Anne-Stylite Dubost, Charlotte Fons et Solveig Lebrun



LAttribut accueillant avec soin la présence des plus petits (en proposant notamment une salle de jeu et une petite pièce pour les siestes) et portant des enjeux éducatifs, leur proposition est de mettre à contribution les uvres dart des enfants comme visuels des supports de communication. Dessins colorés et renouvelables à linfini ; on peut ainsi imaginer des affiches vierges dimage que différents enfants investiraient, créant ainsi une série doriginaux quil serait amusant de répandre dans le quartier.
On retrouve ces formes enfantines sur les autres supports et sur la devanture du café ; projet très sympathique et en harmonie avec le sujet, qui mériterait juste dêtre un peu plus poussé.
Tiffany Marchis et Céline Descamps

Concentrées sur lobjet flyer, elles ont travaillé un pliage original, imprimé en noir et blanc et rehaussé par une signature faite au pochoir, avec une encre épaisse ; une proposition modeste et plutôt réussie, appelant un travail manuel (pratique qui manque rarement de faire passer quelque chose dhumain).
Alexandre Lemercier et Nathan Morel


De leur côté cest laffiche quils ont choisi comme point de départ (et point darrivée puisquils nauront pas eu le temps de traiter les autres supports). Prenant le parti dévoquer laspect chaleureux et vivant dun tel endroit, leur travail sest alors concentré sur lexpression graphique de cette idée franche, généreuse, mais pas évidente à rendre. Après moult essais un peu froids et coincés, je me suis immiscé de manière un peu plus directive dans leur travail pour les pousser à développer une mise en forme pétillante (travaillée en bichromie).
Camille Diquelou, Camille Testard et Marine Betton


LAttribut / La Tribu, cest lévident glissement du nom du café qui leur a inspiré un totem autour duquel réunir, se réunir. Et de là on glisse vers la très jolie idée de bâtir ce totem avec de petites tasses (puisque, je précise, LAttribut ne propose pas dalcool en dehors des repas).
Dessin au crayon de couleur, typographie toute manuscrite (≠ typographie scripte), composé avec simplicité un travail abouti, humble et rafraîchissant.
Louis Schafer et Cyril Barrier



Relevant une série de verbes daction mis en avant dans les textes présentant LAttribut (manger, échanger, rire, refaire le monde, jouer ), leur point de départ était de les associer par deux (ex : manger & échanger) en jouant avec les petites cartes du café, combinables de cette idée, lesperluette a attrapé leur intérêt pour devenir symbole, un peu à elle seule, des aspirations de LAttribut (créer du lien social dans le quartier, être un lieu déducation et de relations épanouissantes ).
Sécartant de lordinateur avec lequel ils ne réussissaient quà faire des images «propres», un peu aseptisées, cest finalement avec une composition toute en papier découpé et fixée en une simple prise de vue, quils aboutirent à une image sucrée et tactile.
Cest juste un peu dommage quils naient pas eu le temps de reprendre leur judicieuse idée de cartes avec ce vocabulaire visuel.
Après avoir travaillé sur les deux premiers sujets, la majorité des étudiants navaient pas pu aboutir leurs propositions pour lun ou lautre des projets. Aussi, il semblait à ce stade normal de leur proposer de persévérer sur un des projets précédents ; un seul groupe a abouti une proposition pour le troisième et facultatif sujet.
3. Au Clair de la rue
De la rencontre de Yannick Jollivet (bénévole) et de Serge dit «Le Gaulois» (SDF), est né lidée de créer une chorale qui serait un modeste appui pour le collectif des morts de la rue et qui permet à des sans abris nantais de se retrouver régulièrement pour des moments conviviaux, moments de solidarité et damitié dune importance cruciale. (Ce teaser vous en donnera le ton.)
Anne-Stylite Dubost, Charlotte Fons et Solveig Lebrun



Inspirées par le travail dHelmut Nied (un allemand qui dessine régulièrement de grands portraits à la craie, sur la place Royale de Nantes, depuis 2002), elles ont imaginé une communication qui se réaliserait à la craie, par les sans abris eux-mêmes, reprenant un même signe (un Pierrot de la rue, comme on peut en admirer dans ce clip) accompagné dinformations (dates et lieux de représentation, hommage à des sans abris disparus, etc.)
Une idée pertinente, à léchelle des moyens de cette association et mettant en uvre un outil peu usité. Et ne pourrait-t-on pas voir ici la craie comme une métaphore de la fragilité de celles et ceux qui vivent dans la rue?
Une proposition expérimentée «en vrai», cela leur permettant notamment de recueillir quelques retours instantanés de citadins.

Le rendu, auxquels assistaient également les étudiants présents aux deux autres workshops ayant lieu la même semaine, animés par Tim Northam (scénographe) et Alain Le Quernec (affichiste).
Cest tout pour les travaux graphiques.
Et je suis plutôt très content devant la diversité des propositions. Certains ont montré une vraie vivacité desprit, à très vite trouver des idées intéressantes et réalistes. Certains autres nont pas forcément pris une bonne piste dès le départ mais ont su rebondir vite pour arriver à rendre pertinente une intuition première.
La vitesse, vous laurez compris, était cruciale pour lexercice. Une vitesse à laquelle nous mêmes sommes fréquemment contraints, ce qui demande davoir un cerveau un peu entraîné à cette gymnastique mêlant supports, formes visuelles, orchestration dinformations et moyens réduits, et également de savoir bien maitriser ses outils pour mettre en forme promptement ses idées.
Tous les étudiants nont pas été dune assiduité impeccable, certain-e-s ayant abandonné lexercice en cours. Sans doute ai-je manqué denthousiasme dans mon comportement et nai pas réussi à insuffler assez dénergie à latelier pour en faire un temps agréable pour tous (une petite angine nayant pas aidé).
Il est difficile pour moi de trouver un équilibre juste entre un positionnement de pédagogue, guidant et entrainant latelier, et un positionnement détaché, laissant de la place à chacun pour affirmer une autonomie, des choix personnels. Certains étudiants étaient, je crois, franchement attentistes en espérant de moi un aiguillage plus directif («quest-ce que vous voulez quon fasse?»). Dautres étaient nettement plus murs à ce sujet (et une différence de niveau entre 2e et 3e année était ici palpable).
Après quoi le sujet ne plaisez sans doute pas à tous les étudiants réunis ; au démarrage du workshop jai été un peu déconcerté en relevant quaucun des participants navez déjà fait partie dassociations ou navait déjà croisé de média dit «alternatif». De fait, ce nétait pas une chose aisée que de leur transmettre tout lintérêt et la singularité des associations prises comme sujets (et, par exemple, les discussions censées permettre un démarrage collectif des sujets nont pas du tout pris). Une bonne partie des étudiants ont quand même réussi à sapproprier intelligemment les sujets.
Dans lensemble je reste satisfait de cette expérience et de lenvie que jai pu observer chez nombre dentre eux, curieux, attentifs et réactifs à mes commentaires (alors mêmes que ces derniers pouvaient être en décalage par rapport à leurs cours ordinaires). Point positif, également, la manière dont certains étudiants ont réussi à se détacher de lordinateur et à se diriger vers des outils quils ne connaissaient pas encore (pochoir, collage ).

Les quelques survivants. (De gauche à droite, de haut en bas : Anne-Stylite, Camille, Bibi, Louis, Camille, Charlotte, Solveig, Alexandre, Cyril.)
Merci aux étudiants pour leur travail et à Catherine pour cette invitation.