Workshop à Recyclart (Bruxelles), travaux des étudiants

Après le sujet, une sélection de documents de référence et le compte-rendu de ce workshop de trois jours avec des étudiants de la Cambre, voilà les propositions de chacun des groupes.


—

Cynthia Morilleau, Léthys Munzemba et Guillaume Vincent
Le Raciste exquis



«L'issue de ce workshop a été pour nous un livret regroupant nos pérégrinations quant au thème du racisme. Nous avons voulu mettre l'accent sur l'absurde, l'absurdité que génère souvent l'idéologie raciste basée sur des clichés, des automatismes de pensée, des idées reçues, etc.
Nous nous sommes inspiré de Cesare Lombroso, célèbre pour ses thèses sur le «criminel né». Il proposait de repérer les criminels en considérant qu'il s'agissait d'une classe héréditaire qu'on pourrait distinguer par l'apparence physique.
Nous avons voulu faire de même en répertoriant les racistes selon des critères aléatoires, pour montrer l'absurdité du propos raciste.
Nous avons d'abord listé les racistes, puis répertorié les parties du corps glanées dans des magazines. Nous avons procédé par collages de façon totalement aléatoire. En parallèle Léthys travaillait sur un site visant à générer des racistes aléatoirement. Un personnage serait créé avec les parties du corps en stock, puis nommé avec un des racistes de notre liste.
Une partie du livret est composée avec les superpositions progressives de nos personnages, amenant à la confusion des formes, à une surface noir, au chaos. Cela résume pas mal l'histoire…»




Absurdité qui commence par un nouveau glossaire : la liste des «antis», anti-noir, anti-juif, anti-gros, anti-blonde, etc. Liste qui peut prendre des détours encore plus grotesque : anti-shirt, anti-po, etc. Pour faire le portrait-robot de ces types d’individus, la technique du collage-cadavre-exquis s’impose : ces individus se retrouve composés de manière aléatoire. Ne trouvant ainsi jamais de pertinence avec leurs légendes! En terme de support, les portraits-types sont rangés dans un cahier — tel un imagier. (Finalement les légendes des «antis» seront à compléter par les lecteurs.) Le travail très expansif et explosé du groupe, dont nous n’avons pas ré-orienté par soustraction le travail (pour arriver à «l’essentiel» de l’idée initiale), est en lui-même absurde car trop bariolé, trop «fou»… Vive l’excès!

—

Chloé Martin et Coline Le Houezec
Lettre de demande de certificat de nationalité et d’expulsion du territoire



Au démarrage de leur travail est le sentiment de rejet, d’exclusion, qu’une personne en position «d’étranger», de sans-papier peut ressentir. Ce sentiment, l’État en est l’origine, l’État qui pourtant se drape sous un fronton humaniste (liberté, égalité, fraternité), use du poids de son administration et de ses réglementations pour rejeter ceux et celles que le hasard ne fait pas de «bons français». Le travail de Coline et Chloé propose de pousser ce hasard vers l’erreur en expédiant un courrier contenant une demande de certificat de nationalité ainsi qu’un arrêté d’expulsion du territoire français à des destinataires «bien» français (faisant ainsi d’une pierre deux coups).
Peut-être que par là, via une réaction d’angoisse, de gêne, on peut inviter à une réflexion sur le sort que l’État fait subir à tort et à travers à des personnes «comme tout le monde».
Dans la mise en forme, les documents sont repris de manière presque quasi-conforme, seul un détail — au second plan —les fait basculer dans une violence cynique ; une typographie très «pointue» pour rappeler avec violence la devise de l'État ; un grossissement d’une rengaine administrative «*Et éventuellement toute autre pièce utile».

Vous pouvez télécharger les pdf des deux lettres :
• Demande de certificat de nationalité
• Arrêté portant expulsion de Mme Chantal Cole

—

Axel Van Tuijn
«Il ne faut pas toujours tourner la page, il faut parfois la déchirer.» Achille Chavée



Ce travail très «direct» propose une transposition gestuelle et formelle d’une citation d’Achille Chavée (poète surréaliste belge) au cas de l’actualité politique belge. Ce qui nous donne une récolte de documents formant ce qu’on pourrait nommer l’identité culturelle belge (incarnée par les photographies de célébrités) qui se retrouvent tous déchirés de manière intuitive et enfermés dans une enveloppe (sur laquelle figue la citation). La simplicité de l’action nous brusque et par son cynisme cette proposition ne manque pas de pointer du doigt le grotesque de la situation belge.

—

Elsa Gasnault
Le Monde, et moi?



«Comment faire sa place dans le monde, dans la société, les uns par rapport aux autres, quelles sont nos limites – ‘nos frontières’?» 



Initialement lancée dans une réflexion sur le «problème» identitaire belge, Elsa (française), se retrouve fatalement perdue. Tout comme quand elle réfléchit à la France d’ailleurs. Au final, c’est en abandonnant le sujet et en essayant des formes, qu’est venue l’image de son doute, de ses blocages face au sujet (les territoires, les frontières, les cultures, les identités nationales). Une simple silhouette sur un fond, de l’un dépend l’existence de l’autre (les contours font exister un arrière plan, un espace ; le personnage est découpé dans l’arrière plan). La seule vie des ces images serait la matière, un peu épaisse, et les silhouettes, maladroites, qui révèlent en arrière plan la personne qui les a faite. Une réponse subjective et fragile mais qui ne manque pas de poser des questions.

—

Marion Demeulaneare, Marine Gallouedec, Charlotte Bergue, Tia Dzamonja et Alexandra Lolivrel
Inserts Coins. Fausses bonnes idées pour lutter contre la discrimination



«Confrontées à l'épineux sujet, nous nous sommes étendues au gré de nos idées sur divers chemins sans jamais en prendre un, car chacun d'eux était discutable (et non approuvé). Les médiums tel que le maquillage, le collage, le street art ou les tracts dans la rue ont été évoqués comme forme mais comme le fond ne plaisait pas, ils ne furent que des mots étalés sur des pages blanches. Or le décompte des trois jours passant, nous nous sommes rendues compte que nous n'avions qu'une multitude d'idées non abouties traitant toutes de la discrimination. Nous avons donc décidé de les compiler pour créer un livret en insérant l'espoir, par le titre, que ce n'était que partie remise vers une solution graphique et engagée qui serait acceptée à sa juste valeur.»

Après avoir cherché différentes solutions d’images graphiques, d’interventions urbaines ou de slogans qui, à chaque fois, nous mettait face à de «fausses bonnes idées», un peu naïves, un peu creuses, dans lesquelles le groupe pouvait se reconnaître consensuellement mais jamais ses cinq participantes, leur travail final a consisté à réunir sous la forme d’un fanzine toutes leurs pistes de réflexion (pistes mises en forme après coup pour les besoins de ce «catalogue d’idées refusées»). Une proposition nonchalante que le plaisir de ses auteures à le mettre en œuvre n’a pas pu suffire à lui donner une force. On peut ainsi dire que ce groupe n’a pas fonctionné (et nous en sommes les premiers déçus) et cela nous montre que le travail en collectif peut s’avérer improductif quand les sensibilités et les envies de ses participants ne réussissent pas à se trouver.

—

Zaïneb Hamdi
Anecdotes



«J'ai choisi d'aborder le sujet sous un angle personnel. Passant par le médium écrit que je traite plus facilement qu'un autre, j'ai créé un livre de deux cents pages, pour la plupart blanches. Parmi ces pages, figurent sept phrases dispersées dans le livre.
Ces sept phrases englobent de manière générale, des pensées, des ressentis qui évoquent mon rapport, parfois conflictuel, avec mes origines et le regard que pose autrui sur celles-ci.
La couverture est bordée de chiffres romains (rappelant en outre, le système graphique d'un code pénal) qui énumèrent les pages sur lesquelles se situent les phrases.
Les pages écrites se noient dans les pages blanches ; comme pour rappeler que ces phrases ne sont pas un quotidien, mais de rares ‘anecdotes’ disséminées au cours de mon parcours.»


Quelques phrases livrées dans l’ouvrage :
«Sans doute aurait-il fallu mes yeux et mes cheveux plus clairs, pour ne pas figurer au panthéon de vos stéréotypes.»
«Je suis d'origine arabo-italienne. / Née en Belgique. / J'ai été éduquée à ‘l'occidentale’. / Mes parents se sont rencontrés pendant leurs vacances. / Ma mère est née en Belgique. / Mon père vit en Belgique depuis plus de 25 ans. / STOP. / Ne pas se justifier…»
«Je ne suis la bête de personne.»

Zaïneb, dont le nom et la couleur de peau trahissent trop bien une origine «étrangère», ne s’est retrouvée confrontée à une question identitaire que très récemment, à son arrivée à Bruxelles. Des petites questions, des petites remarques, des petits regards que posent sur elle des personnes l’entourant, trahissent une certaine discrimination, en tout cas l’idée que seul le blanc pourrait être «d’ici». De là naît un petit malaise, très intime, qu’elle a voulu partager mais en gardant beaucoup de pudeur.

—

Camille de Barbuat et Iona Suzuki
L’Image est simulée, pas la réaction



Ce groupe pétillant s’est pris au jeu du collage pour confronter des archétypes culturels et, peut-être, en altérer la force symbolique ; avec en tête, dans un premier temps, des idées elles-mêmes très clichées (ex : mettre une burka sur une vierge à l’enfant), c’est en pratiquant le collage à l’aide d’une multitude d’images que des résultats surprenants, nettement plus convaincants, corrosifs et drôles, ont vu le jour. Réunis dans un petit livre, gardant dans sa fabrication la vibration du travail «pressé» et jovial du collage manuel, cette généreuse collection d’images est délicieuse — et parfois inquiétante.

—

Davy Delbecq, Lionel Demarville, Olivier Roland et Émile Noël
Tracts anti-Vlaams belang



«Dans notre travail, nous avons voulu faire prendre conscience aux gens des propos tenu par certains partis de droite ou d'extrême-droite flamand. Mais aussi le jeu du double discours que peut tenir le Vlaams belang dans ses tracts en français-néerlandais, à Bruxelles, et ceux distribués en Flandre. Le discours adressé à Bruxelles est bien différent de celui adressé dans les grandes villes flamandes.
Dénoncer aussi certaines pratiques déjà en place dans quelques communes comme la délation, qui rappelle des pratiques fascistes et totalitaires, la montée des ‘discriminations’ envers les francophones et la difficulté pour certains d'entre eux de vivre dans des communes dites à facilités.»



Dilbeek est une des villes en périphérie de Bruxelles sous régime de «facilités linguistiques» facilitant, en principe, l’intégration des francophones. Malgré cela, on peut voir dans cette ville des panneaux proclament «Dilbeek là où les flamands sont chez eux» ; ce tract donne la réplique.

Ce groupe de quatre wallons a travaillé à prolonger, de manière graphique, les révélations fortes que l’on peut trouver dans le reportage La Face cachée du Vlaams blok (1995) et qui vraisemblablement n’a pas laissé une trace indélébile en Belgique. Ainsi concentré sur les propos anti-francophones de la droite flamande, leur travail isole certaines citations pour en révéler, dans une lecture à double détente, la puanteur. Cette idée a été mise intuitivement sous la forme de tracts.

—

Julia Allemandet et Charlotte Salvi
La Xénosphère



Pour télécharger la carte au format pdf (14Mo) : Xénosphère.pdf

«Le rascisme c'est pas bien, le nationalisme c'est dangereux et la xénophobie c'est moche. Donc on regroupe les clichés racistes, on y met sur la carte et pouf : ça fait la xénosphère. Si toi aussi t'aime cette carte t'es, soit rasciste soit graphiste (et drôle). BRAVO. Petit jeu : Où est la chaise électrique? (Notre version de ‘Où est Charlie?’) Voilà.»

Pour dénoncer l’aberration et la naïveté des clichés et idées reçues couramment émis sur les différentes cultures du monde, cette proposition vise à tous les rassembler au sein d’un même planisphère : l’absurdité d’une telle représentation du monde, d’une telle collection, a l’objectif de révéler l’absurdité de chacun des éléments la composant. À bas les clichés.
Le traitement très froid de la carte, à l’aide d’icônes «neutres», participe à la crédibilité grossière de la carte à première vue.

—

Noémie Couronné, Léa Wolf, Julien Beutter, Bastien Sozeau, Hadrien Herzog
(sans titre)



Ces cinq personnes auraient très bien pu se passer de nous tellement ils ont vite mis en place une pratique collective critique et stimulante, prenant largement le temps de discuter et partager leurs réflexions, leurs essais, tout en s’autorisant de déborder et de diverger individuellement dans leurs propositions graphiques «finales». C’est eux qui ont certainement proposé les images les plus ouvertes face au sujet, trouvant des réponses inattendues aux questions posées. S’ils ont amené quatre propositions différentes, ils sont toute fois partis d’une matière commune (la presse quotidienne) et ont formalisé ensemble — à la fin de la 1re journée — un cahier de recherche leur ayant ensuite servi de base de travail.



Hadrien Herzog
Le cahier reprend, dans sa première partie, les recherches de collage par lesquelles le groupe a commencé sa réflexion. On y retrouve des portraits d’hommes politiques associés à des titres initialement sans rapport autre que leur origine : le journal. Dans la seconde partie se poursuivent les collages entre photos et extraits de textes, passant cette fois à des sujets plus ordinaires moins «importants», reprenant des photos d’inconnus et leur trouvant des titres absurdes.



Léa Wolf et Noémie Couronné
Que ce soit avec des images de montagnes sans âge brutalement associées à des notions politiques ou avec des photos de vieux combats de boxe surmontées de bribes sorties de journaux (les mêmes que l’on trouve dans le cahier d’Hadrien), ces propositions reformulent les problèmes posés par le sujet tout en restant loin de prétendre apporter quelque réponse. Une sorte d’humilité radicale qui ne manque pas de semer le trouble.



Bastien Sozeau
Comme satire des «valeurs» de la République française, Bastien reprend quelques symboles forts en leur associant des paroles de rappeurs français, créant peut-être l’image schizophrénique mais véritable de la culture française. À moins que cet assemblage de choses respectables avec d’autres données comme «vulgaires» tende à ridiculiser et à déprécier le prestige feutré de l’institution politique.



Julien Beutter
Deux couples d’affiches «qui je l’espère n’ont pas besoin d’explications» dixit leur auteur. Le travail à partir de la photographie officielle de Nicolas Sarkozy évoque, avec la simplicité d’un petit montage ou l’absurdité d’un drôle de collage, cette prétention à vouloir dominer. Le travail à partir de photographies de carrière de marbre amène, avec un détachement cynique et interrogatif, un point de vue sur un trait de société.

—

Hugo Meister
Gifs animés


(Cliquez sur les images pour accéder aux animations.)

Six gifs animés, réunissant une figure du fascisme avec des paroles de hip hop, créant un mélange grotesque et incorrect, qui ne réussit pas, bien évidemment, à donner bonne figure à ces tyrans. Au contraire, les prenant comme autant d’icônes ridicules ne nous faisant plus peur, peut-être s’agit-il là d’une manière décomplexée de les enterrer sous une nouvelle couche de béton?

—

Pour les lecteurs qui tomberaient sur ces travaux sans en connaître le contexte, vous pourrez lire ici le sujet de ce workshop et ici un compte-rendu de son déroulement.