5 mars 2008 — Un journal de mairie

Figuration humaine dans la communication locale

Je reçois le journal Ivry ma ville dans ma boîte aux lettres. En couverture, deux demoiselles me regardent. Le sujet du dossier annoncé sur la couverture est le collège. La photo en couverture représente sûrement deux collégiennes à la sortie du collège, le point est fait sur le panneau de ce dernier – sur lequel on distingue clairement le logo du Val-de-Marne, étonnant pour une publication de la mairie –, les deux filles sont au premier plan, mais légèrement floues.
Mais qui sont ces deux filles ?



Concernant l’évolution du journal Libération, Patrick Champagne remarque que « La conception de la politique du journal tend ainsi à s’aligner sur celle qui est imposée par le champ politique au champ de la presse : ce ne sont plus, par exemple, d’illustres inconnus condamnés lourdement par une justice de classe qui font la une du journal, mais, comme pour n’importe quel autre quotidien, avec seulement une distanciation dans les titres, les déclarations des principaux leaders politiques et syndicaux. »
Cette remarque est intéressante si on la compare avec la démarche de journaux de ville, ici celui d’Ivry, amenant en première page des habitants « ordinaires » et non des représentants des pouvoirs locaux quels qu’ils soient. Ces journaux iraient-ils à contre-courant de la tendance des médias nationaux – médias de masse – en « re-démocratisant » l’information ?
Cependant il y a un risque important dans la dissolution de l’identité – les personnes «ordinaires» cantonnées à l’anonymat – et la figuration pour la figuration – je te montre donc je te prends en compte.
Dans cette utilisation qui est faite de la figuration de gens ordinaires dans la communication, je pense à ces immanquables affichettes placées à l’intérieur des rames de métro, celles pour les cours privés de soutien scolaire ou celles du Wall street institute.
Aussi significatif que l’utilisation de portraits pour parler de tous, on a l’accumulation de vignettes-portrait pour faire l’économie d’un visuel porteur de sens. Je pense à la récente campagne de Gaudin à Marseille, « Marseille vous réussit ».
« Sur l’affiche de campagne de Jean-Claude Gaudin, sous le slogan Partagez la réussite de Marseille, le maire sortant apparaît avec ses colistiers entourés de toute une série d’hommes, de femmes et d’enfants… américains. C’est ce que révèle Marseille l’Hebdo aujourd’hui qui a identifié les têtes sur l’affiche comme étant celles de Getty Images, une banque d’images américaines très célèbre. Une information que confirme l’agence Leaders et opinion qui a imaginé la campagne, arguant le manque de temps. Et ajoutant : Cela n’a pas d’importance qu’il s’agisse d’Américains. Nous, on ne se pose pas autant de questions : l’essentiel, c’est le message, pas les gens. »
C’est avec un certain cynisme que La Provence, daté du 13 février 2008, relate ce haut fait de la communication politique.



D’une certaine façon, il s’agit d’une décoration de façade, souriant et universel. Dans la réalité, cela marque bien l’absence de culture graphique des commanditaires et le peu de scrupules de certaines agences de communication – et pas des plus petites.
On retrouve cette absence graphique dans la majorité des affiches électorales, un portrait et un slogan, parfois un texte. Pour l’ensemble des courants politiques on retrouve le même systématisme.

Chacun devient alors la pâle copie de l’autre, et l’on voudrait nous faire croire à la diversité.