22 avril 2008 — Un travail d’affichiste

Vanessa Vérillon


Les affiches de Vanessa sont en grande partie commandées par des mairies qui cherchent à mettre des images dans leurs espaces réservés, les panneaux d’affichage municipal ou plus souvent les fameux dos de sucettes Decaux – « Informations municipales au dos ».
Les mairies, ce sont aussi elles qui délimitent des sujets bien précis : une fête, une sensibilisation à la propreté, un festival… Il y a un message, une invitation ou une consigne, à faire passer aux citadins-récepteurs.
Mais très vite, l’image que propose Vanessa se dégage de l’informatif pour proposer autre chose, un langage bien à elle avec de l’humour, de l’attention, de l’intelligence, de la vie. Son vocabulaire graphique est simple et maîtrisé, chaque image ne comporte qu’un minimum de signes. Cela en gardant un élan tout particulier, variant les outils mais toujours avec une part importante de « manuel ». Car c’est peut-être avant tout ce qui ressort de ses différentes affiches, c’est une main, c’est sa main. L’anonymat – avec lequel sont habituellement traités ces sujets de mairies – est écarté d’un coup de pinceau au profit d’une malice sans fioritures et délicate, à la fois brute et agile.
En ressort une fragilité ; certaines fois, à mes yeux, la formule échoue. Parfois c’est « trop » et cette écriture peut paraître une caricature d’elle même, trop enfantine, trop féminine. Mais peut-être suis-je « trop » difficile ?
Ce qu’il faut remarquer d’autre, de bien, c’est que la fragilité de ces images donnent une certaine liberté au spectateur, il a le droit de s’y attacher ou de s’en moquer, d’y lire les informations – si l’image l’a séduit et l’intrigue – ou bien d’en refuser une lecture utilitaire au profit d’un petit plaisir coloré. Ces images ne se prennent pas au sérieux, elles n’agressent personne et laissent même pour une partie d’entre elles une certaine liberté d’imagination. Si le vocabulaire est largement composé d’éléments figuratifs, ils n’en sont pas nécessairement narratifs.




L’affiche en sucette


Toujours est-il qu’en m’attardant sur les qualités de ces images, j’en oublierai presque ce qui les entoure. L’environnement où celles-ci « vivent ». Leurs contextes urbains. Car en les regardant sur internet, sur un fond blanc, assis dans un fauteuil confortable chez moi, je suis loin, très loin, des conditions dans lesquelles ces images sont perçues par les citadins. Sans parler de ma culture graphique qui m’a taillé un regard bien particulier.
Les citadins croisent ces affiches, au hasard de leurs trajets piétons, à l’intérieur de sucettes Decaux…
Sans même aller plus loin dans la description, des problèmes évidents se posent. Offre-t-on à ces images la pleine possibilité de toucher les citadins en les mettant sur un tel support ? L’auteure les a-t-elle conçues pour être mises sous vitres ? Sous vides ? Combien d’affiches sont elles mises en ville, à quels endroits, pour combien de temps ?
Refuser une commande sous prétexte que le support est impraticable parait bien délicat. C’est compréhensible.
Pour les vœux de la mairie d’Ivry en 2007, Gérard Paris-Clavel avait réalisé une affiche format sucette Decaux, mise dans ces dernières. Scandalisé par la saleté et le manque d’entretien de la face publique des panneaux d’affichage, il a pris en photo chacune de ses affiches en situation et a amené au maire les planches contact. La mairie ne les a pas remises en état pour autant. Gérard Paris-Clavel n’a pas fait les vœux 2008.
Bien sûr, nombreux sont les graphistes qui se rendent compte de la contrainte JCDecaux et de l’affiche en général. « Mais, répondent-ils, les contraintes il faut savoir s’en jouer ! Une borne JCDecaux n’est qu’un cadre ! »

Maintenant, que faire quand le cadre vient à prendre automatiquement le dessus sur ce qu’il contient ?