14 avril 2008 — Une censure

Le Bureau de vérification de la publicité passe à l’action

Cela aurait pu être un simple fait sans grand importance et vite oublié. Le 3 avril, le BVP donne un avis défavorable à une campagne d’affichage du syndicat de gestion des déchets des Côtes d’Armor, affirmant que celle-ci peut « porter gravement préjudice à des secteurs économiques ». La campagne n’aura donc pas lieu comme prévu dans le département.



Lundi 14 avril, l’émission J’ai mes sources, animée par Colombe Schneck sur France inter, a pour thème L’écologie dans la publicité. À priori rien de bien intéressant pour nous et pourtant un débat s’engage entre Joseph Besnaïnou, le directeur général du BVP et Stephan Kerkhov de l’association Agir pour l’environnement :
Qu’est-ce qui autorise le BVP à émettre un avis sur une campagne de prévention d’une institution publique ?

Colombe Schneck

Joseph Besnaïnou, au BVP, vous vous êtes opposé à une campagne d’affichage du Conseil général des Côtes d’Armor qui encourageait les habitants à privilégier les produits qui font moins de déchets comme l’eau du robinet, les rasoirs réutilisables. Pour vous elle portait carrément atteinte à des marques identifiables, c’est quand même dommage. Là, on a une campagne qui protège l’environnement et vous dites non ce n’est pas bien, on va…

Joseph Besnaïnou

Au nom de n’importe quelle cause, on n’a pas le droit de ne pas respecter la loi. La loi interdit le dénigrement. On ne peut pas, en France, dire d’abord…

Colombe Schneck

Le dénigrement de produits qui sont mauvais pour l’environnement.

Joseph Besnaïnou

D’abord, cette campagne, on a accepté la moitié des visuels, c’est la première chose. Deuxièmement, dans la deuxième moitié, il y avait des dénigrements de marques reconnaissables. En France quelle que soit la cause, on n’a pas le droit de dénigrer. Si on dit qu’on a le droit de dénigrer des marques pour telle ou telle cause, c’est la porte ouverte à plein d’abus. Deuxièmement, quand on dit « il n’y a pas de vitamines », on dit « zéro vitamine dans les pommes quand elles sont emballées sous plastique », mais qui le prouve ça? Personne. En publicité… La publicité s’enorgueillit de dire la vérité, peut-être que… On ne peut pas, sinon on tombe sous le coup de la loi.

Colombe Schneck

Vous parlez d’autorégulation : quand une publicité dit « n’utilisons pas d’eau dans les bouteilles en plastique c’est mieux de prendre de l’eau du robinet », c’est une bonne chose ?

Joseph Besnaïnou

Si elle le dit comme ça, peut-être. Il y a un publicitaire là… Il prend à partie Jérome Galinha, directeur de création chez Euro RSCG C&O, en charge du budget EDF, qui est présent. Il y a différentes façons de dire les choses. On peut dire des tas de choses sans dénigrer.

Colombe Schneck

Alors effectivement c’est pas très bon pour Evian ou pour Volvic,

Joseph Besnaïnou

Ah ! mais on s’en fout nous, ils sont tous adhérents du BVP, on s’en fout complétement, c’est pas notre problème à nous.

Stephan Kerkhov

…Il n’y a pas le Conseil général des Côtes d’Armor apparemment.

Joseph Besnaïnou

Il y a des conseils généraux chez nous, on n’a pas de soucis. C’est pas parce que le conseil général fait une publicité… Il doit respecter la loi.

Jérome Galinha

C’est une difficulté qui intervient dès le niveau de la conception. On conçoit une publicité, on doit déjà anticiper les freins législatifs, les contraintes réglementaires, l’avis du BVP qui va arriver. Donc, moi je comprends que ce soit un petit peu agaçant de se dire « cette publicité des Côtes d’Armor elle a l’air super, elle défend l’environnement ». Maintenant, effectivement, si elle sort du cadre législatif, voilà, ça pose un problème. Peut-être que c’est le cadre législatif comme disait monsieur…

Joseph Besnaïnou

Mais la moitié des publicités respectaient le cadre législatif.

Stephan Kerkhov

On est typiquement dans un vrai problème, pour nous on accuse le BVP d’abus de pouvoir. C’est-à-dire qu’une publicité… ce que vous appelez publicité, moi j’appelle ça une campagne de sensibilisation d’une institution régionale, locale.
Vous n’avez qu’à émettre un avis…

Joseph Besnaïnou

Ah bon ?

Stephan Kerkhov

…Vous êtes le Bureau de vérification de la publicité.

Joseph Besnaïnou

Si on a une campagne « Oui », euh « Non à l’avortement », qu’est-ce qu’on dit ?

Stephan Kerkhov

Qu’est-ce qui se serait passé le jour où, à l’époque du pop-art, Andy Warhol peignait ses soupes, le BVP aurait émis un avis négatif.

Joseph Besnaïnou

Là c’est pas la publicité, là, vous confondez.

Stephan Kerkhov

Justement, et les campagnes politiques d’institutions ne sont pas des publicités.

Joseph Besnaïnou

C’est de la publicité, monsieur. Tout ce qui passe par les écrans…

Stephan Kerkhov

C’est quand même malheureux que le BVP n’ait pas cerné la définition précise de ce qu’était une publicité. Pour moi…

Joseph Besnaïnou

C’est vous qui comprenez pas ce que c’est. La publicité c’est tout ce qui est diffusé dans un écran publicitaire qui soit une affiche, un journal, quand…

Stephan Kerkhov

Un tract politique c’est une publicité ?

Joseph Besnaïnou

Non c’est pas de la publicité.

Stephan Kerkhov

Ah bon ? Et une affiche d’une institution ?

Joseph Besnaïnou

Une affiche qui est diffusée, c’est une publicité…

Colombe Schneck

Excusez-moi, on va revenir dans notre débat.
[…]

La journaliste de France Inter, Colombe Schneck, coupe le débat et change de sujet quand il devient intéressant. On assiste là à une incompréhension du représentant de l’association écologique sur ce qui définit une publicité et, à sa décharge, le représentant des intérêts du commerce dit juste : c’est le support et pas comme l’autre le croit le discours.

Si on ne veut pas faire de la publicité il faudrait alors commencer par réfléchir à d’autres supports.